[FRENCH] Série liée au « Fourth World » et donc aux New Gods et aux Forever People, le Mister Miracle de Jack Kirby racontait les exploits d’un maître de l’évasion qui avait ceci de paradoxal. On voyait souvent ce super-Houdini s’entraîner, inventer des attractions… Mais Kirby ne le montrait jamais se produire en public. C’est qu’il lui manquait un imprésario. Et justement le « King » avait sa petite idée… 6s3n1j
En fait, chaque semaine un peu d’argent est transféré via la bouche d’un buste. En écoutant un son caractéristique, l’homme en peignoir sait que l’argent est là. Il lui suffit d’ouvrir la mâchoire de la statue pour prendre une liasse de billet. On comprendra que le Colonel Mockingbird (« Oiseau Moqueur ») a arrangé les choses avant sa mort pour mettre en place une sorte de distributeur automatique. Pour ce qui est des raisons de ce choix, c’est une autre chose. L’important, pour l’instant, c’est que la somme remise va en diminuant, semaine après semaine. L’homme au peignoir, prénommé Funky, est frustré en le constatant une fois de plus. Il explique à son majordome, Hooy, qu’à cette allure là il sera bientôt privé de fonds (et qu’ils seront arrivés au bout de l’héritage). Mais Hooy, très iratif de son patron, ne peut y croire : « Pas vous, maître ! Pas avec vos incroyables ressources ! ».
En ouvrant le journal, Hooy explique qu’il vient de remarquer le nouveau client potentiel de Funky vient de donner un spectacle au profit des orphelins. Hooy s’interroge : « J’espère qu’il ne vous décevra pas comme les autres ! ». Ce qui implique déjà que Flashman ne serait pas du genre à aider des gens dans le besoin. Pas impressionné, Funky rétorque dit qu’il s’en moque, qu’il va voir s’il peut l’utiliser et que si ca marche il compte bien en profiter. Le domestique est inquiet : quand même. Ce client pratique des tours risqués, tout ça pourrait se finir mal ! Mais Flashman n’en a rien à faire. Quand bien même l’homme dont ils parlent venait à se blesser ou à mourir, il suffirait de trouver un autre pigeon.
Funky Flashman est une parodie de Stan Lee, l’ancien partenaire de Jack Kirby du temps où celui-ci travaillait pour Marvel. Et Hooy est une caricature de Roy Thomas qui, au début des années 70, est le bras droit de Stan Lee. Par extension on comprendra que le Colonel Mockingbird est Martin Goodman, le fondateur de Marvel Comics et que cette demeure en ruine est… la société Marvel elle-même (certains ont poussé le vice jusqu’à penser que la toile d’araignée est une allusion à Spider-Man mais ça me parait trop « subtile » dans un épisode ou, par ailleurs, Jack Kirby ne se gène pas pour dire ce qu’il a à dire). Hooy dit alors à son employeur que son public l’adorera… tant qu’il ne fera pas trop de lapsus ! Car par moment, quand on devine le vrai Funky, ce n’est pas la même chose. Furieux, Flashman remet son serviteur en place. Ce n’est pas à lui de lui donner des conseils.
Oberon se précipite pour… ne trouver aucune trace de Mister Miracle. Désespéré il pense alors que le corps a été réduit en miettes. Oberon est convaincu qu’il est mort… si ce n’est que derrière lui Mister Miracle descend doucement, porté par un petit parachute. Non seulement il a échappé aux chaines mais aussi à l’explosion. Le propre d’Oberon étant – malgré tout ce qui est déjà arrivé dans les épisodes précédents – de souligner que son ami et partenaire exécute des choses tellement impossibles que même lui n’y croit pas. Mister Miracle s’excuse de l’avoir trompé en lui cachant le déroulement du show. Mais il voulait voir sa réaction. Et si même Oberon si laisse prendre, alors il ne doute pas que le public aussi appréciera. A ces mots, Oberon comprend que Scott veut monter une tournée. Le « nouveau dieu » le lui confirme. Il y a un intérêt tactique à se produire de façon mobile. Une tournée signifie qu’ils deviendront mobiles (et par extension une cible moins facile pour les forces d’Apokolips qui le poursuivent).
Barda, constatant que l’homme est un goujat, lui dit que s’il est venu voir Scott Free il ferait mieux de concentrer ses pensées sur lui. Funky Flashman croit cependant que c’est du bluff : « Oh c’est bon ça, poulette ! C’est du bon dialogue façon « libération de la femme » tout en jouant à Bonnie Parker ! Un bon sketch ! Mais je ne peux pas t’employer ! Peut-être pourras-tu er une audition pour moi plus tard, quand tu auras… plus de classe ! ». Autant dire que les étincelles fusent entre Barda et Funky. Au point que d’un seul coup elle en vient à se demander si un être si malfaisant ne débarquerait pas d’Apokolyps pour les manipuler. Dans sa rage, elle réduit en miettes le revolver qu’elle tenait dans la main… Avant de s’apercevoir à l’air terrifié de Funky qu’il ne peut qu’être humain. L’autre, venant de s’apercevoir de la force herculéenne de la femme, se rue pour lui serrer la main. A défaut de s’exc, il tente de faire croire à de l’humour « Gulp ! Est-ce que tu as cru une minute que ton pote Funky te manquerait de respect ? ». Barda n’est pas dupe et réalise que c’est le fracas du pistolet qui l’a fait changé d’attitude. Faisant mine de lui rendre sa poignée, elle lui écrase dans la main. Lassée de Flashman, Barda décide alors de s’éclipser pour prendre un bain.
Heureusement pour Flashman, Scott Free ne fait pas attention à ça et se concentre seulement sur la discussion qu’ils doivent avoir. C’est que s’ils doivent lancer une tournée, Scott sait qu’il aura besoin d’un agent. Jack Kirby prend alors un plaisir certain à singer le phrasé des éditoriaux de Stan Lee. Funky Flashman s’exprime comme le grand ponte de Marvel. Lee/Flashman est montré comme un baratineur. Si bien que Scott fini par lâcher « Vous avez la manière de tourner les mots ! ». Funky Flashman se prétend pris d’une furieuse envie de travailler, de ressentir cet appel jusque dans son sang ! Travailler et être productif ! ». Au point que lorsqu’Oberon revient avec le café, Flashman lui donne l’ordre de se taire.
Bien sûr, Mister Miracle survit au tour (ce serait ballot d’arrêter la série ainsi) et Funky/Stan Lee en rajoute en superlatifs, lui demande même de refaire le tour. Le héros explique alors qu’il a des variations de cette attraction et s’installe dans un autre piège qui a, cette fois, l’apparence d’un grand bocal. Le truc c’est que le couvercle contient une bombe à concussion qui sera projetée dans « l’aquarium » et que Miracle doit absolument s’en sortir avant. Le test est lancé, le piège explose… et Funky ne voit plus que de la fumée. Bien sûr, Mister Miracle n’est pas plus blessé que la première fois et émerge triomphant de la fumée.
C’est le moment que choisi une autre guerrière d’Apokolips, Lashina, pour essayer d’attaquer. Lashina, c’est une femme qui ressemble à Sif ou Barda, qui pourrait er pour leur sœur, mais qui se distingue par un costume bardé de lanière. C’est un personnage carrément orienté bondage et cuir, une dominatrice à côté de qui Catwoman fait figure de jeune ingénue. Sortir une Lashina en 1972, alors que le Comics Code était encore en vigueur, n’est pas une mince affaire.
Sauf que… ce n’est plus Mister Miracle qui l’a. Il était si occupé à se débarrasser de Funky Flashman que l’agent… n’a pas eu le temps de lui rendre. Doutant visiblement que ce soit un « oubli » de la part de Flashman, Oberon ricane. Pendant ce temps, l’héritier du domaine Mockingbird est retourné à sa villa, se demandant quel est le potentiel de la boite-mère. Il demande alors à Hooy ce que cet objet peut-être d’autre qu’une sorte de boite à sardine musicale. Pas spécialement troublé, Hooy installe alors un magnétophone, expliquant qu’il est l’heure que le maître écoute à nouveau sa propre voix. Excité par la perspective, Funky jette la boite-mère dans un coin et s’en désintéresse.
Les quatre femmes sont plutôt furieuses (d’ailleurs ce sont des « Female Furies« , d’où le nom de leur unité). Elles déduisent que si la boite-mère se trouve en sa possession, Funky est forcément un ami de Scott Free et décident de le tuer, lui aussi. Et quand Burnadeth lance vers lui une sorte de fléchette mortelle, Flashman comprend que sa vie est en danger. Sans se démonter, il attrape Hooy et le lance devant lui, comme une sorte de bouclier humain : « Ne t’inquiète pas noble guerrier ! Je sais que ta valeur fera pencher la balance en attendant que l’aide locale arrive ! ».
Flashman est un couard et est prêt à sacrifier le seul personnage qui lui soit réellement fidèle. Il profite de l’instant gagné pour sauter à travers la fenêtre et s’enfuir avant que la demeure soit détruite par une explosion. A sa manière, Funky Flashman est lui aussi un maître de l’évasion. Mais il regarde, désespéré, la villa qui flambe. Il qualifie même l’ensemble des flammes et de la fumée noire comme une « merveille de contraste ! ». Ce qui en anglais donne… « MARVEL of contrast ! ». Alors que sa perruque et sa barde sont tombées, Funky décide de prendre le large. Il aime bien Scott Free mais il déteste vraiment trop ses « amis ». Flashman se promet alors de réussir de nouvelles conquêtes…
Le principal c’est leur combat contre Apokolips. Scott se demande si, au lieu de fuir, ils ne devraient pas retourner le combat contre leur ennemi. Barda rétorque alors : « Je suis un soldat, Scott, je suis entrainée pour mourir. Mais toi tu es beau à l’intérieur !!! Ils ne t’ont jamais eut ! Et là ils te feraient des choses ! ». L’épisode s’achève cependant sur la résolution de Mister Miracle de combattre pour vivre…
Maintenant il convient de faire un point sur le contexte général de cet épisode et surtout l’angle exact qui défini l’utilisation de Funky Flashman, d’Hooy et du Colonel Mockingbird. En 1972, parti depuis deux ans de Marvel, Kirby ne décolérait pas au sujet de son ancien employeur, c’est vrai. Mais au delà de certains traits explicites (la manière de Stan Lee/Funky d’exploiter et sacrifier les autres), Kirby ne faisait pas simplement le portrait de Marvel tel qu’il l’avait vécu. Si on y regarde bien, il ne montre un Stan Lee/Funky en train de s’en mettre plein les poches, un éditeur richissime à qui « profiterait le crime » .
Vu de l’extérieur, le fondateur de l’entreprise étant partie et la maison étant livrée à des propriétaires moins impliqués, Kirby avait des raisons de penser que le navire Marvel voguait vers sa perte. D’ailleurs cet épisode prophétique puisque, dans la scène d’ouverture, Kirby explique que lorsque Stan Lee se retirera Hooy/Roy Thomas est prêt à tout pour prendre sa place. Fin 1972, Stan Lee se retira de l’éditorial (prenant de la hauteur dans l’organigramme) et Roy Thomas devint son successeur au poste d’éditeur-en-chef. Ce que Jack Kirby pose dans cet épisode est sans doute le reflet des rumeurs qui circulaient déjà dans le métier dès la fin 1971.
Caricaturer ainsi Stan Lee était particulièrement osé pour l’époque. Si Lee lui-même n’avait jamais de problème pour se glisser parmi les personnages secondaires d’une histoire, il faut bien comprendre qu’on parle là d’un comic-book édité par DC, le concurrent direct. Marvel aurait pu montrer les dents. Il semble que ce ne soit pas le cas. D’ailleurs dans le courrier de numéro suivant, répondant à des lecteurs hilares qui ont compris l’allusion, Kirby semble promettre que Funky Flashman pourrait revenir dans des épisodes suivants. Hélas la série Mister Miracle sera suspendue au #18, avant que Kirby puisse mettre son projet à exécution. L’ironie est qu’après le départ de Kirby (retournant, comble de l’ironie, chez Marvel), d’autres auteurs continuèrent d’utiliser Funky Flashman (en particulier dans la série Secret Society of Super-Villains, qui réutilisa divers éléments liés au Fourth World de Kirby), qui prit une vie propre et devint une sorte de symbole d’un capitalisme couard. Plus largement, une bonne partie des histoires du Fourth World tournent autour du concept de manipulation, de corruption et de privation du libre arbitre. Un certain nombre de personnages néfastes sont capables de tromper les héros valeureux par des effets de voix (c’est le cas, par exemple, pour Glorious Godfrey dans Forever People #3 ou Mystivac dans Mister Miracle #12). A sa manière, Funky Flashman n’est qu’un « beau parleur » de plus.
Il ne semble pas que Stan Lee ou Roy Thomas en aient particulièrement voulu à Jack Kirby pour ce pied-de-nez. Et inversement il serait sans doute trompeur de voir dans ce numéro une véritable rage contre Lee, puisque les deux hommes se rencontrèrent par la suite sans que ca tourne au pugilat. Au moins nominativement ils coproduiront en 1978 un album Silver Surfer (je précise au moins nominativement car on y sent beaucoup plus le style de Kirby que celui de Lee, les deux hommes n’écrivant pas le Surfer de la même manière). Par contre le fait d’avoir quitté Marvel et de se permettre de se moquer de Stan Lee et de Roy Thomas (et dans une mesure moindre de Gerry Conway) fut moins apprécié par certains lecteurs et auteurs secondaires de Marvel, ce qui explique sans doute qu’à son retour chez Marvel, Kirby ne fut pas forcément accueilli à bras ouverts par certains. Pour eux, il avait un peu « craché dans la soupe ». On pourrait leur objecter que dans les années 60 Jack Kirby, le co-créateur des Fantastic Four, des Avengers ou des X-Men, avait largement contribué à inventer la recette de la soupe en question mais c’est un autre débat. Pour ce qui nous intéresse ici, le fait est que Jack Kirby, sur le moyen terme, a sans doute été mis à l’amende par certains pour l’invention de Funky Flashman et certaines autres piques.
Est-ce vraiment un mal si, cette fois, Funky Flashman ne mit pas à nouveau le grappin sur Mister Miracle parce que, cette fois, Big Barda s’est interposée ? Nous n’en serons jamais certains…
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