[FRENCH] En 1953/1954, Marvel Comics (alors identifié comme Atlas Comics) tenta de relancer ses principaux héros des années quarante. Captain America mais aussi Human Torch et Sub-Mariner reprirent du service. Mais l’idée venait sans doute un peu tôt et la tentative fut de courte durée, ne produisant qu’une poignée d’épisodes. Peu de super-criminels marquants furent introduits à cette époque mais l’un d’entre eux fait encore sentir sa marque sur les comics modernes… 6d2t1j
Dans ces conditions, faire que les super-héros d’Atlas Comics « cassent du rouge » avait un double avantage. Non seulement c’était dans l’ère du temps mais en plus on prouvait par la même occasion aux censeurs éventuels qu’on ne pouvait être soupçonné d’appartenir à une cellule communiste. Human Torch ou Sub-Mariner affrontaient des espions à tours de bras. Et plus encore, Captain America, symbole patriotique s’il en est, chassait les infiltrés venus dénaturer l’Amérique. De ce fait, on l’aura compris, ses aventures du moment regorgeaient d’agents ennemis mais le ressort du super-vilain n’y était pas aussi systématique qu’on aurait pu le penser. Et dans un premier temps les auteurs avaient préféré une solution classique. Le Red Skull (« Crâne Rouge », ennemi nazi de Captain America pendant la seconde guerre mondiale, était réapparu en 1953 en s’affichant désormais comme un agent soviétique sans que la contradiction n’étonne personne. Après nazis et communistes étaient vu comme deux facettes d’un Mal absolu. Tous les nazis étaient sans doute un peu soviétiques et inversement. Bien sûr, on pourra dire que Captain America affrontait toutes les formes de totalitarisme. Mais le glissement politique d’un Red Skull restait largement inexpliqué. Des décennies plus tard, Marvel réglerait les contradictions apparentes (par exemple le fait que Bucky ne semblait pas avoir vieilli entre 1941 et 1953) avec plusieurs vagues de corrections successives : Les « vrais » Captain America et Bucky étaient désormais supposés avoir disparu en 1945, vers la fin de la phase européenne de la Seconde Guerre Mondiale. Tout comme le « vrai » Red Skull. Et tous avaient été remplacés par des successeurs à des fins de propagande. De même que le Captain America des années 50 est désormais vu comme un personnage autonome (William Burnside, un agent gouvernemental tellement fan de Steve Rogers qu’il s’était fait refaire le visage et avait adopté son nom civil et qui avait pris en sympathie un jeune sosie de Bucky), le Red Skull de cette période était un espion communiste qui avait récupéré l’identité vacante. Peu de personnages communistes vraiment originaux ou réellement marquants viendraient, à cette époque, s’attaquer au héros de la série. C’est une des raisons qui rend notable la créature découverte dans Captain America Comics #78. Ca et le fait qu’elle porte un nom connu… Electro !
Tout commence visiblement de l’autre côté du « rideau de fer », avec deux militaires soviétiques en train de discuter. Le premier lit un rapport qui explique comment Captain America a été créé en 1941 par des scientifiques américains (bizarrement c’est le pluriel qui est ici utilisé alors que l’origine classique repose sur un seul savant, abattu à la fin de la transformation de Steve Rogers). Le militaire communiste détaille comment « un faible professeur exempté s’est fait injecté un sérum secret et des pouvoirs dynamiques qui le rendent plus fort que n’importe quel être humain ». L’homme poursuit « Depuis il a été le grand adversaire du fascisme… et désormais de notre propre cause… L’internationale communiste ! ». Il continue en constatant que toute tentative de le battre a échoué… Et que du coup leurs propres savants ont créé un adversaire encore plus fort que lui, de taille à battre Captain America. Le second militaire est d’abord incrédule mais son interlocuteur se retourne vers une source de lumière qui irradie et lui présente… Electro ! Ce n’est pas un nom inconnu des lecteurs de Timely/Atlas/Marvel pour peu qu’ils aient lu des comics de 1940 (ce qui, en 1954 et en l’absence de réimpressions, n’est pas si évident). Dès Marvel Mystery Comics #4, Steve Dahlman avait en effet inventé un « merveilleux robot » nommé Electro (créé, dans le contexte de l’histoire, par un certain professeur Zog). C’est ce robot massif de 1940 qu’on retrouve dans la série moderne The Twelve. Mais ici il ne semble pas qu’il s’agisse d’une volonté délibérée d’émuler le personnage de 1940. L’agent soviétique de 1954 se distingue surtout par des pouvoirs électriques qui justifient ce nom. Notons cependant que la discussion entre les deux militaires ne permet pas d’éclairer deux points : D’abord on ne sait pas précisément comment cet Electro a été créé et on ne connait pas, non plus, sa nature. Electro est-il un humain transformé, à la manière de Steve Rogers ? Ou bien « plus simplement » un robot ou un androïde qui diffuse de l’électricité ? Rien ne permet de l’établir avec certitude. Créature verte équipée d’une ceinture et de bottes rouges, cet Electro communiste se distingue par la forme anguleuse de sa tête, comme si son crâne était carré. Mais dans le même temps il peut aussi s’agir simplement d’une coiffe.
Déguisé sous un lourd imperméable, son visage caché par un chapeau, Electro prend ensuite la direction de Broadway. Il sait en effet qu’une grande parade doit s’y dérouler le lendemain, parade à laquelle prendront part Captain America et Bucky. Vingt-quatre heures plus tard, à l’heure dite, les deux super-héros ent sur un char conduit par une militaire blonde qui a ceci d’intéressant que son visage pourrait tout aussi bien avoir été dessiné par Lee Elias, trahissant les influences de John Romita Sr (à moins qu’il s’agisse d’un « art assist », Elias ayant travaillé pour Marvel à la même période). À l’époque. Mais Broadway est une avenue connue pour ses nombreuses enseignes lumineuses. Et bientôt Bucky remarque que le texte d’une des enseignes vient de se modifier, affichant désormais « Captain America dies today » (« Captain America va mourir ce jour »). On voit au age que le bouclier du héros est décoré d’une large bande blanche et d’un seul cercle rouge (donc très simplifié par rapport à ce qu’on connait). C’est le fruit d’une décision éditoriale de l’époque qui voulait que, pour gagner du temps, les dessinateurs ne devaient plus prendre la peine de dessiner les ellipses recouvrant le dit-bouclier. On pensait que les coloristes se chargeraient d’appliquer les bandes de couleurs. Les coloristes, eux, trouvaient qu’ils n’étaient pas payés pour et pratiquaient une certaine résistance ive, diminuant graduellement le nombre de cercles. Ici, le bouclier est presque devenu blanc, avec un halo rouge sur la bordure. Décidant immédiatement d’enquêter, Cap demande à une voiture de pompier (qui faisait sans doute partie du cortège) de sortir sa grande échelle, de manière à ce qu’il puisse monter à hauteur de l’enseigne. Mais une fois à la hauteur du panneau, voyant une silhouette étincelante, le héros s’écrie « Attention Bucky ! Il y a un court-circuit ! ». En fait, le lecteur aura compris (et l’image le prouve) que c’est le fait du tueur soviétique, qui se présente sans plus attendre : « Ce n’est que moi ! Electro… L’homme qui te détruira ! ».
Par contre il semble que l’auteur ait voulu imiter une recette qu’on avait déjà vue chez DC sur des séries comme Batman, entamée avec des éléments comme le dollar géant dans la Batcave. Ainsi Electro poursuit Captain America et Bucky à travers une exposition où trône une machine à écrire géante (Bill Finger lui-même utiliserait précisément ce genre de machine à écrire géante dans le plus tardif Batman #115). Aussi fantasque et irréelle que l’idée puisse paraître, elle trouve sans doute sa base dans un fait réel.
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Ici, l’idée est que Captain America et Bucky ne peuvent toucher leur adversaire. Mais en courant sur les touches du clavier géant ils les actionnent… Et Electro est frappé avec violence par les éléments de la machine. Profitant du fait que le soviétique est désorienté, Captain America porte un véritable coup de grâce en appuyant sur la touche du retour-chariot. Electro est touché par un véritable bélier mécanique… Mais le tueur arrive à court-circuiter la machine. En se relevant il touche un câble qui, pour le coup, doit être conducteur puisqu’il arrive ainsi à électrocuter à distance Bucky, qui tombe dans les pommes.
Mais Captain America remarque la manœuvre et bondit vers un levier pour actionner une autre attraction de l’exposition : une chute d’eau artificielle ! Au moment même où Electro touche la dynamo et est traversé par le courant, il est aussi touché par la chute d’eau. D’où un court-circuit géant… Electro tombe, victime de son propre pouvoir. Le commentaire se moque alors de l’assassin communiste, battu par un des éléments les plus simples à trouver : l’eau ! Bucky, alors, se reprend, tandis que son mentor explique que dès qu’il a remarqué qu’Electro en voulait à cette dynamo il a compris que quelque chose ne tournait pas rond : « Ce rat gagnait du temps ! Il n’aurait pas attendu s’il avait réellement pu nous achever ! ».
Et Electro ? On n’allait pas le revoir pendant des décennies. C’est dans What If #9 (1978) que Roy Thomas et Don Glut le ramèneraient comme un des adversaires des « Avengers des années 50 » (le prototype des Agents of Atlas, dont les aventures se sont déroulées dans une autre réalité). De facto l’Electro aperçu dans What If #9 est une version alternative mais il finira par être mentionnée dans la « continuité principale » par (à nouveau) Roy Thomas dans Captain America Annual #13 (1994), soit quarante ans après sa première apparition. Au delà de sa courte carrière, Electro a laissé derrière lui un certain nombre d’héritiers, la plupart d’entre eux ayant été écrit par Stan Lee (ce qui ne prouve pas pour autant que cet Electro soit une création de Lee, ce ne serait pas la seule fois où Lee s’inspire d’un épisode qu’il a édité mais pas écrit). Décourageons les esprits qui voudraient voir en ce colosse vert un ancêtre communiste de Hulk… la couleur verte de l’alter-ego de Bruce Banner n’est que le fruit d’un accident d’imprimerie qui ne pouvait reproduire la couleur réellement prévue (le gris). Aucune chance, donc, que Stan Lee soit tombé sur l’Electro vert et se soit dit « tiens je vais refaire le même en le transformant en un antihéros ».
[Xavier Fournier]
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